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Le rapport UNIA : la réponse de Madame MORREALE Ministre de l'action sociale

QUESTION ORALE DE M. CORNILLIE & DE MME AHALLOUCH À MME MORREALE, MINISTRE DE L’ACTION SOCIALE SUR « LES CONCLUSIONS DE L’ENQUÊTE D’UNIA QUANT À LA SITUATION DE LA PERSONNE HANDICAPÉE »

Cornillie (MR). – Madame la Ministre, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées du 3 décembre dernier, Unia a dévoilé les résultats d’une consultation    réalisée    auprès    de   1 144 personnes handicapées ou en situation de handicap – pour reprendre les termes de la discussion tenue tantôt – et  elle  l’a  fait  de  décembre 2019  à  juin 2020, sur une période assez longue. Les répondants à cette enquête représentent la plus grande diversité des types de handicaps : moteur, visuel, auditif, intellectuel, sensoriel, autisme, polyhandicap, troubles psychiques,  et cetera. L’échantillon est assez diversifié.

Cette consultation permet de mieux identifier les obstacles vécus par les personnes handicapées dans l’exercice de leurs droits et se fait notamment dans le cadre de la seconde évaluation que la Belgique a à connaître dans le monitoring de l’évaluation et de l’évolution des droits des personnes en situation de handicap conformément à la convention internationale du même titre, la convention ONU.

Force est de constater que la majorité des répondants témoignent systématiquement de nombreuses difficultés dans l’exercice de leurs droits. Une majorité d’entre eux ont l’impression qu’aucune avancée significative n’a été réalisée ces dernières années pour améliorer leurs conditions de vie.

Les conditions de vie dépendent en partie de leur accès au marché de l’emploi. Je crains grandement qu’ils fassent cruellement défaut en Belgique. Quand ils ont d’ailleurs accès au marché de l’emploi,  c’est souvent un emploi précaire ou à temps partiel avec des difficultés réelles, objectives, sur le terrain et pour faire simple, ce taux d’emploi chez les personnes porteuses d’un handicap atteint seulement 26 %, soit est en deçà de la moyenne européenne.

Avez-vous pris connaissance Mme la Ministre, de cette enquête Unia ? Quelle lecture en faites-vous ? Quelles conclusions en tirez-vous, par ailleurs ? Détenez-vous des chiffres propres à la Région wallonne puisque l’on a effectivement les différentes grilles d’analyses, le sexe, la langue, notamment, mais avez- vous des chiffres propres à la Région wallonne concernant singulièrement l’objet de notre commission aujourd’hui, le taux d’emploi chez les personnes porteuses d’un handicap ?

Quelles perspectives pouvez-vous donner à ces personnes porteuses d’un handicap – quant à leur entrée sur le marché de l’emploi – qui sont entravées notamment par la question des aménagements raisonnables, par l’inaccessibilité réelle de leur fonction ou par des préjugés liés au handicap ? Quelles sont donc les actions dans le cadre de vos compétences qui pourraient être mises en place pour contribuer à augmenter le taux d’emploi de cette tranche de la population ?

Mme Ahallouch (PS). – Madame la Ministre, il y a à tirer la sonnette d’alarme à l’occasion de cette Journée internationale du handicap et notamment sur l’entrave que cela pouvait être au niveau de l’accès à une vie décente.

Un grand nombre de sondés, en situation de handicap, auraient par ailleurs observé que leur condition de vie ces dernières années ne se seraient pas améliorées.

Un chiffre qui m’a particulièrement marqué c’est celui de 60 % des répondants qui déclarent que leur handicap les empêche de se nourrir, de s’habiller et de se loger correctement. Cela, c’est vraiment un chiffre interpellant.

Face à ces constats, mes questions sont assez simples. Comment envisagez-vous de renforcer  les aides et le soutien qui existent en Wallonie? Quelles sont les solutions actuelles qui visent à soutenir avec un ou plusieurs enfants en situation de handicap, ou les personnes seules afin que le handicap ne les empêche pas de vivre décemment ? Disposez-vous d’autres éléments permettant de mieux cerner ces difficultés rencontrées pas ces personnes et d’appuyer ou non ce sentiment que rien ne s’est amélioré depuis de nombreuses années ?

Finalement, plus les limitations sont importantes et plus le risque de pauvreté est grand. Tout cela se rejoint. En quelques mots, quelles sont les mesures prévues pour y remédier ?

Mme Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Madame, Monsieur les Députés, il y a une consultation d’Unia avec 1 144 personnes handicapées ou en situation de handicap qui ont répondu au questionnaire d’Unia, qui ont permis de faire un certain nombre de recommandations, des recommandations qui touchent tous les niveaux de pouvoir, dont la Région wallonne.

On sait que c’est une compétence qui doit être envisagée de la manière la plus transversale qui soit. Force est de constater que Unia fait des recommandations qui s’appuient sur des constats relativement récurrents, malgré toutes les aides et les formes d’accompagnements dont peuvent bénéficier les personnes en situation de handicap que se soit par le Fédéral, singulièrement par le SPF Sécurité sociale, ou la Fédération Wallonie-Bruxelles, ou bien dans le cadre de l’enseignement inclusif ou spécialisé – que vous connaissez particulièrement bien, Mme Ahallouch – la Wallonie au travers de l’AViQ, les personnes en situation de handicap sont plus fréquemment confrontées à des difficultés financières et de participation sociale.

Le taux d’emploi des travailleurs en situation de handicaps, certes trop faible, doit être mis en lien avec trois éléments. 

Le nombre de personnes qui déclarent avoir des difficultés dues à des problèmes de santé augmente, le taux d’emploi de ces personnes est inférieur à celui de la population dite valide et, enfin, le taux d’emploi est en diminution.

Il ne s’agit pas de phénomène spécifiquement wallon ni belge, ces constats sont malheureusement posés un peu partout en Europe.

Deux phénomènes me paraissent avoir assurément une part de responsabilité dans ces évolutions-là : le vieillissement de la population et l’évolution du monde de l’emploi.

En l’absence d’obligation d’emploi dans le secteur privé, comme c’est par exemple le cas en France, la politique de l’emploi des personnes en situation de handicap se veut incitative et vise à compenser le coût des mesures prises par l’entreprise ou l’employeur dans une perspective d’engagement ou de maintien à l’emploi.

La question de l’embauche est d’ailleurs indissociable de celle du maintien de l’emploi : la plupart des personnes handicapées le deviennent en effet pendant leur vie active.

Les interventions de l’AViQ visent le développement d’une politique d’engagement et de maintien à l’emploi volontariste. L’AViQ poursuit et renforce la sensibilisation des opérateurs de l’insertion socioprofessionnelle ainsi que la communication et la collaboration avec les acteurs de la réintégration.

Il s’agit de donner envie d’employer des personnes en situation de handicap par la diffusion d’expériences, de bonnes pratiques ainsi que par l’organisation d’événements médiatiques comme, le Duoday où au cours d’une journée des duos travailleur ordinaire, travailleur, on va dire, « spécial », partagent les mêmes activités.

Il s’agit également de collaborer avec les organismes qui soutiennent les entreprises afin qu’ils s’investissent dans des actions envers leurs affiliés telles que les fédérations patronales, les fonds sectoriels, les organisations syndicales, les secrétariats ou encore l’Union wallonne des entreprises.

L’AViQ contribue aussi à l’ajustement des situations de travail des personnes handicapées, tant par des actions d’analyse et de conseil, que par le financement des surcoûts que les entreprises sont éventuellement amenées à supporter.

Ces actions visent à mettre en avant et à accroître les compétences des travailleurs en situation de handicap.

J’ambitionne également la pérennisation du dispositif de soutien à l’emploi inspiré de la méthodologie du supported employment mise en œuvre dans les pays anglo-saxons et dont l’AViQ coordonne un réseau de jobcoaches avec des résultats intéressants.

La prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap en vue de leur inclusion sur le marché du travail constitue par ailleurs un de mes souhaits dans le cadre des travaux actuellement menés notamment par la task force Emploi, Action sociale et Santé du plan de relance Get Up Wallonia.

Augmenter le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est un enjeu très important. Ce n’est pas uniquement par le biais de mesures incitatives, de soutien et de compensation que nous y parviendrons. Ceci renvoie à l’enjeu majeur du développement économique de la Wallonie. La dimension du handicap, et j’en terminerai par là, doit être prise en compte dans toutes les politiques, je le rappelle effectivement souvent.

Cornillie (MR). – Je voulais rebondir sur ce que vous venez de dire : la dimension du handicap doit être prise en compte dans l’ensemble des politiques wallonnes.

Sachez que vous prêchez, si vous me permettez l’expression, un convaincu. C’est très certain. Vous avez néanmoins souligné la difficulté d’une appréhension globale du dossier par sa transversalité, avec différents niveaux de pouvoir, et parfois, peut-être par normes qui se heurtent, mais en tous cas des normes qui limitent les effets mutuels que l’on peut avoir. Être handicapé aux yeux de tel statut, mais pas nécessairement aux yeux de tel dispositif. Cela amène beaucoup de difficulté. 

Là où je vous rejoins – en tous cas, individuellement je serai toujours dans ce camp-là –, c’est qu’à partir du moment où l’on fait des constats en matière de handicap, c’est aussi valable pour l’accès au logement, ou à des discriminations d’ordre racial. On constate malgré les mesures que l’on met en place, souvent des mesures incitatives, que l’on n’a pas le résultat voulu, alors parfois il faut oser envisager des mesures coercitives. C’est pourtant un libéral qui vous le dit.

Vous avez évoqué les obligations d’engagement de certains profils dans le secteur privé. Il y a sûrement un travail à mener, mais il y a aussi – parce qu’en plus, souvent les personnes en situation de handicap amènent des compétences qui sont développées par ailleurs et qui peuvent également enrichir l’entreprise – toute l’exemplarité du secteur public qui, là aussi, n’est pas encore optimale et maximale. On sent qu’il y a des réticences partout. Il y a beaucoup de travail, mais sachez qu’en tout cas je serai toujours de ceux qui vous soutiendront pour cette question.

Mme Ahallouch (PS). – Je  voulais  remercier  Mme la Ministre pour ses éléments de réponse. C’est vrai que ma question balayait des champs très larges, qui allaient du logement au travail, et c’est vrai que  c’est une réponse globale, comme vous l’avez dit, qui pourra y amener une réponse.

Je crois aussi aux actions ciblées, notamment par exemple pour tout ce qui est intégration dans le milieu de travail. Il y a notamment une ASBL que vous connaissez bien qui s’appelle Handijob'project à Verviers qui s’occupe notamment, de tout ce qui est accompagnement des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel et qui font vraiment un travail très ciblé sur le terrain.

S’il y a une approche transversale, je pense aussi qu’il y a aussi certaines actions plus spécifiques à mener dans des domaines précis.

On va être attentifs, notamment au travers du plan de relance. J’espère que, dans quelques années, on pourra avoir un rapport Unia qui nous dira que des personnes du public concerné ont pu voir une certaine amélioration de leur situation, pas pour nous, mais pour eux.