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Emploi : il y a-t-il discrimination?

La discrimination à l’embauche permet-elle encore d’expliquer totalement la situation des demandeurs d’emploi handicapés ?



Au cours de ces dernières années, l’écart entre l’offre et la demande d’emploi de personnes handicapées s’est largement creusé. Le taux actuel d'emploi de personnes handicapées en France est au maximum de 4% alors que la loi de juillet 1987 prévoyait 6%. En outre, plus d'un tiers des entreprises soumises à cette loi n'emploient aucun travailleur handicapé. Malgré les efforts des différents partenaires de l’insertion, la situation des demandeurs d’emploi handicapés reste problématique.
Devant ces difficultés, nous serions tentés de conclure à la persistance de comportements discriminatoires à l’embauche lorsque l’employeur a connaissance d’un handicap. Les travailleurs handicapés sont-ils encore désavantagés face à l’emploi, malgré la loi de 1987 ? Et si oui, comment les acteurs de l’insertion peuvent-ils les aider à optimiser leur candidature, et donc leur présentation d’eux-mêmes, tout en sachant que celle-ci actualise des stratégies identitaires préexistantes, plus ou moins conscientes?

Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, l’AMIH conçut et réalisa une étude en partenariat avec les organismes lorrains d’insertion professionnelle labellisés " Cap emploi ". (…)
Dans un premier temps, l’objectif était de vérifier l’existence d’une discrimination à l’embauche lorsque le candidat présente un handicap. Ensuite, l’expérimentation conduisait à évaluer l'impact de différentes stratégies d'annonce du handicap sur cette discrimination.
(…)
L’expérimentation parvint à des observations inattendues sur le processus de candidature, et particulièrement pour le cas des candidats présentant un handicap. De plus, le comportement des entreprises de plus de 20 salariés se révèla intéressant.
Dans un premier temps, aucune discrimination à l’embauche n’a pu être mise en évidence, (…) le processus de recrutement est un phénomène complexe dépendant de multiples facteurs situationnels (la région, secteurs d’activités des entreprises, etc.…) et individuels (type de handicap, argumentation utilisée, ..), et à leurs interactions dans un contexte socio-culturel donné.
Par conséquent, l’hypothèse, selon laquelle l’absence de mention d’un handicap accroît les chances d’obtenir un entretien, n’est pas validée pour des candidatures à un poste de secrétaire-comptable.
Enfin, même si le nombre de réponses positives fut trop faible pour en retirer des calculs statistiques fiables, une hypothèse forte émerge: les entreprises lorraines de plus de 20 salariés seraient significativement (à .08) plus sensibles, par rapport à celles de moins de 20 salariés, aux avantages liés à l’embauche de secrétaires-comptables handicapées. Pour autant, il n’a pas été possible de distinguer les effets sur les entreprises, d’une part, des avantages liés aux compétences développées dans la compensation du handicap, et d’autre part, de l’obligation d’emploi et des modalités d’encouragement à l’embauche de " travailleurs handicapés ".

Les différences de conclusions entre l’étude initiale de J-F Ravaud et celle de l’AMIH démontrent que l’efficacité d’une candidature à l’embauche provenant de personnes handicapées dépend de nombreux facteurs individuels, contextuels et socio-historiques. Nous pouvons ainsi supposer que la loi contre les discriminations, 15 ans d’application de celle de 1987 et l’action des Cap Emploi de Lorraine ont largement contribué à l’évolution des comportements des entreprises lorraines en matière d’embauche des personnes handicapées.
Toutefois, ces résultats doivent nous inciter à la prudence. En effet, cette expérience ne constitue qu’une approche localisée du processus de candidature des personnes handicapées. (…)

Une seule conclusion globale peut être affirmée ici : même si la situation de l’emploi des personnes handicapées reste préoccupante, elle ne peut être imputable à un comportement global et généralisé de rejet et de discrimination de la part du milieu ordinaire de travail. Approfondir la compréhension des phénomènes en jeu dès les premières rencontres entre les demandeurs d’emploi handicapés et les entreprises apparaît alors nécessaire pour orienter les politiques et les pratiques en matière d’intégration professionnelle des personnes handicapées, améliorer la préparation psychologique de ces derniers et mener une communication adaptée vers les entreprises. (…).

Vincent HAREL,


Extraits : texte complet sur www.autonomia.org