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Ne parlons plus de personnes handicapées mais de situation handicapogêne

Un concept développé par Mahmoud Boumaiz Docteur ingénieur BTP: dont voici sa théorie

Le handicap commence quand le besoin d’agir est limité par une faculté amoindrie ou absente, ou bien quand il se heurte à un environnement inadapté. Par simplification, nous classons les handicaps en différentes familles, moteur, visuel, auditif, mental, psychique et cognitif, puis nous simplifions encore en considérant que le handicapé moteur est en fauteuil roulant, le handicapé visuel lit le braille et se promène avec sa canne blanche, le handicapé auditif parle avec les mains et lit sur les lèvres.

Nous sommes déjà - ou nous serons tous un jour - handicapés, momentanément ou définitivement, ne serait-ce qu’à cause de l’âge. En effet, en dehors des cas liés à un accident, un problème génétique ou néonatal, la perte d’autonomie frappe d’autant plus lourdement que l’âge avance. Les statistiques sont très claires à cet égard. De plus, les handicaps ne sont pas stationnaires. Pour certains, ils sont momentanés, pour beaucoup, ils sont définitifs, rarement stabilisés, souvent dégénératifs.

Exprimer le handicap en pourcentage instantané de la population n’a de sens que dans quelques rares cas. Dans toutes les autres situations, nous devons considérer que 100% de la population est concerné, certains dès aujourd’hui, tous les autres demain. Ne serait-ce que par égoïsme bien compris, "je serai un jour handicapé", "mes clients, mes visiteurs sont handicapés", nous devons concevoir un monde qui réponde aux attentes de tous.

De la même façon, l’accessibilité ne peut pas s’exprimer en pourcentage. Elle est nécessairement binaire, "je passe ou je ne passe pas", "je peux ou je ne peux pas", "avec ou sans aide". Les situations de la vie quotidienne dans lesquelles les nécessités de l’un s’opposent à celles de l’autre sont extrêmement rares. Dans la quasi totalité des cas, répondre aux besoins d’une situation de handicap améliore la vie de tous. Le "surcoût" de l’accessibilité relève, pour une bonne part, plus du mythe que de la réalité. Il ne devient réel que quand il n’a pas été anticipé.

La télé se met à en parler. Les associations qui en ont fait leur cheval de bataille sont de plus en plus nombreuses, et surtout de plus en plus actives. Le roi les évoque dans ses discours, et va souvent à leur rencontre. D’ailleurs, les handicapés sont parmi les principaux bénéficiaires de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain, un des "grands chantiers" de Mohammed VI. Autre avancée que connaît ce dossier : la loi sur l’accessibilité, votée en 2002 par les deux chambres du Parlement, prévoyant des rampes d’accès pour handicapés dans tous les bâtiments relevant de l’état.

Les permis de construire devront respecter les nouvelles conditions d’accessibilité pour toutes les formes de handicap. La meilleure législation ne pourra jamais exprimer dans tous ses détails les nécessités des personnes en situation de handicap. Son seul respect à minima ne peut alors donner qu’un résultat hybride, très en deçà des nécessités quotidiennes, alors même que, très souvent, sans investissement supplémentaire, si ce n’est intellectuel, de très nombreux points peuvent être améliorés. D’un bâtiment à un autre, de la rue au logement, de la chambre à la cuisine, la chaîne des déplacements est la première préoccupation. Cette chaîne des déplacements est le résultat d’une chaîne de décisions, de celles des donneurs d’ordre à celles des concepteurs. Nombre de ces décisions sont "handicapogènes" par seule méconnaissance des situations de handicap. Comment savoir "Qui, sans aide, pourra se déplacer et utiliser les équipements ? Et qui ne le pourra pas ? Le déplacement, le geste, sera-t-il facile, pénible ou impossible ?". De nombreux réflexes professionnels sont devenus périmés. Maîtres d’ouvrage et architectes n’ont d’autres choix que de se former pour en acquérir de nouveaux. Connaître et comprendre les gestes quotidiens en situation de handicap semble bien être la seule base envisageable.