Aller au contenu

Ascenseur : la sécurité ne peut enfreindre la mobilité !

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme fait des recommandation relative à la sécurité des ascenseurs et l'accessibilité aux personnes handicapées

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a constaté que, suite à l'Arrêté royal du 9 Mars 2003 concernant la sécurité des ascenseurs, des problèmes d’accessibilité se posaient.

Dans plusieurs situations, certaines personnes (propriétaires ou locataires) en voiturette habitant dans des immeubles à appartements se trouvent dans l’impossibilité d’accéder à leur logement (ou risquent de l’être) à cause de la mise en conformité des ascenseurs à la législation.

Les problèmes rencontrés concernent principalement les petits ascenseurs, initialement accessibles aux personnes en voiturette, mais qui, suite à l’installation d’une double porte ou d’un faisceau lumineux afin de répondre aux nouvelles normes de sécurité, deviennent inaccessibles (réduction de l’espace).

En effet, conformément à l’Arrêté royal du 9 mars 2003, les ascenseurs doivent être équipés d'une porte cabine ou d’un rideau de sécurité électronique afin d’en améliorer la sécurité. Certaines cages d’ascenseurs sont si étroites que le placement d’une double porte ou d’un faisceau lumineux peut empêcher une voiturette d’y entrer.

Dispositions légales applicables

Suite à ces adaptations imposées par l’arrêté royal du 9 mars 2003, lorsqu’une personne en voiturette ne peut plus avoir accès à son logement, il pourrait alors s’agir d’une forme de discrimination.

La Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre différentes formes de discrimination (loi anti discrimination)
Cette législation s’applique à l’accès et la fourniture de biens et services à dispositions du public. Ainsi, le logement privé tombe sous ce champ d’application. Cette Loi interdit toute discrimination sur base du handicap.

En lien avec ces constats, nous pourrions parler de discrimination indirecte car il s’agit d’unedisposition apparemment neutre qui entraîne un désavantage particulier pour les personnes handicapées.

On ne peut parler de discrimination si une distinction est objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires; ou s'il est démontré qu'aucun aménagement raisonnable ne peut être réalisé (article 9).

Pour toute personne ayant un handicap, le refus de procéder à des aménagements raisonnables est également considéré comme une forme de discrimination (article 14).

Dans la loi anti discrimination, les aménagements raisonnables sont définis comme les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder aux biens et services, sauf si ces mesures imposent à l’égard de la personne qui doit les adopter une charge disproportionnée.

Il est donc essentiel d’être créatif dans la recherche d’aménagements raisonnables afin que les modifications apportées aux ascenseurs ne se fassent pas au détriment de l’accessibilité des personnes handicapées. Cette accessibilité doit être effective non seulement pour les bâtiments dans lesquels habitent une ou plusieurs personnes en voiturette, mais pour tous les bâtiments en général.

Dans certains cas, un type d’aménagement raisonnable pourrait être que les personnes en voiturette disposent d’une clé spéciale nominative qui leur permette de déconnecter le dispositif laser la durée de leur transport en ascenseur. Interpellée sur ce point, la Direction Générale de la Qualité et de la Sécurité du SPF Economie, considère toutefois que cette solution n’est pas une option envisageable et ce pour des raisons de responsabilité.

La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
Cette convention, ratifiée par la Belgique en juillet 2009, impose à chaque état signataire de s’engager, au niveau politique, à prendre en compte les droits des personnes handicapées.

Le principe d’accessibilité contenu dans l’article 3 de la Convention, est un des axes de base sur laquelle celle-ci s’appuie. L’article 5 crée, à charge des Etats signataires une obligation d’apporter des aménagements raisonnables, et l’article 9 les invite à prendre les mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées l’accès à l’environnement physique, sur base de l’égalité avec les autres citoyens. Enfin, l'article 19 insiste sur le droit de toutes les personnes handicapées à vivre dans la société avec la même liberté de choix que les autres personnes.

Recommandation
Le Centre demande avec insistance la modification de l'Arrêté royal afin de prendre en compte la notion d'aménagement raisonnable pour que les personnes en voiturette puissent continuer à utiliser les ascenseurs, même si cela doit être fait en dérogeant aux conditions générales de sécurité. Le complément, ci-dessous en gras, pourrait servir à cette fin :

« Art. 4. § 1. Le gestionnaire fait effectuer une analyse de risque de l'ascenseur par un SECT une première fois, au plus tard dix ans après la première mise en service de l'ascenseur, et ensuite endéans des périodes intermédiaires de maximum dix ans. S'il s'agit d'un ascenseur utilisé principalement dans le cadre du travail, l'analyse de risque est réalisée en concertation avec le conseiller en prévention du service interne ou externe concerné, qui dispose d'une formation complémentaire du premier niveau conformément à l'arrêté royal du 10 août 1978 déterminant la formation complémentaire imposée aux chefs des services de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail et à leurs adjoints.

Lorsque l'analyse de risque est effectuée, il est non seulement tenu compte des caractéristiques techniques de l'ascenseur, mais aussi des caractéristiques d'utilisation spécifiques pour les utilisateurs qui utilisent l'ascenseur tous les jours ou plusieurs fois par semaine. Une attention particulière est portée dans le cas où un de ces utilisateurs est une personne à mobilité réduite. Si les transformations requises ont pour conséquence qu’un habitant à mobilité réduite ne soit plus en mesure d'utiliser l'ascenseur, une solution alternative doit être envisagée. Dans le cas où aucune solution alternative n’a pu être trouvée, des aménagements raisonnables doivent être prévus afin que les personnes à mobilité réduite puissent continuer à utiliser l’ascenseur de façon autonome. Lors de l’analyse de risque, l’accessibilité des habitants à mobilité réduite doit toujours primer.

Il est également possible de tenir compte de la valeur historique de l'ascenseur, après avis des services compétents pour la protection des monuments et des sites.

Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas, il est possible de prendre en compte des aspects de sécurité autres que ceux figurant à l'annexe I, mais le même niveau de sécurité doit néanmoins être garanti.

§ 2. Après chaque transformation d'un ascenseur par laquelle ses caractéristiques concernant la sécurité de son utilisation peuvent être modifiées, le propriétaire fait effectuer un examen par un SECT avant remise en service de son ascenseur. »

En outre, l’annexe I de l’arrêté royal du 9 mars 2003 relative aux aspects de sécurité à prendre en compte lors de l'analyse de risque.
précise qu’en fonction du résultat de l'analyse de risque, il y a lieu d’adapter l'ascenseur pour les utilisateurs à mobilité réduite lorsqu'il est fort probable que cet ascenseur soit régulièrement utilisé par des personnes à mobilité réduite (dans ce cas la précision d'arrêt prévue au point 2, d est limitée à 10 mm)

A propos de cette annexe, le Centre formule les remarques suivantes :

Si l’annexe concerne les bâtiments dans lesquels certains services sont prodigués pour les personnes à mobilité réduite (comme les hôpitaux, les centres de rééducation, les maisons de repos et de soins, ...), la formulation est correcte.

Dans le cas contraire, la formulation paraît douteuse parce que chaque ascenseur, dans chaque bâtiment, doit pouvoir être utilisé par une personne à mobilité réduite. Ce sont ces personnes qui en ont particulièrement besoin.

Se pose toutefois la question de savoir si la formulation d’une exigence de limitation quant à la durée d'arrêt (à 10 mm) n’est pas préjudiciable.

A ce sujet, le Centre propose la consultation d’expert en accessibilité.

Enfin, le Centre invite la Direction générale de la Qualité et de la Sécurité du SPF Economie à adopter un règlement concernant la responsabilité en cas d'aménagement raisonnable et/ou dérogation par rapport à certaines mesures de sécurité.