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Les demandes recueillies par Esenca auprès des personnes porteuses d'un handicap

Question écrite du 22/12/2022 de AHALLOUCH Fatima à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes

Question de AHALLOUCH Fatima (22/12/2022):
À l'occasion de la journée internationale des personnes en situation de handicap ce 3 décembre, Esenca, anciennement ASPH, Association socialiste de la personne handicapée, tire la sonnette d'alarme : en Belgique, trop de personnes voient leurs droits encore bafoués et non effectifs, alors que la Convention ONU Personne handicapée est d'application dans notre pays.


Suite à leur campagne de sensibilisation, Esenca a rassemblé ce qui serait prioritaire pour les personnes ayant participé à la campagne. Elles demandent d'être davantage écoutées, entendues. La question de l'accessibilité est également prédominante : l'accès à l'espace public, aux trottoirs, aux bâtiments communaux, aux magasins, à la culture, aux colloques, etc. Un autre élément récurrent est le droit à choisir son lieu de vie, fonder une famille, choisir de vivre ou non en autonomie. Sans surprise, les témoignages vont dans le même sens quand il s'agit de parler de finances : cela concerne tant la revalorisation des allocations liées au handicap que les budgets liés à l'accessibilité, au financement des associations, mais aussi pour le développement de projets autour de besoins essentiels beaucoup trop peu effectifs sur le terrain, comme l'accès aux sports par exemple.

Depuis sa prise de fonction, Madame la Ministre a à cœur de renforcer la concertation avec le secteur du handicap, notamment, en mettant en place le Conseil consultatif wallon du Handicap qui sera notamment chargé d'assurer le handistreaming.

Partage-t-elle l'analyse quant aux droits non rencontrés de personnes avec un handicap ?

Quelles sont les priorités de l'AViQ aujourd'hui concernant les points cités : l'accessibilité, le besoin d'être entendu, le droit de choix de vie et la revalorisation des allocations liées au handicap. Existe-t-il des projets de l'AViQ ou de ses partenaires axés sur l'accès à la culture pour tout type de handicap et sur l'accès aux sports et comment sont-ils concertés avec la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

A-t-elle comme projet une campagne de sensibilisation au handicap vu le besoin d'une réelle inclusion des personnes en situation de handicap dans la société ?

Réponse de MORREALE Christie (26/01/2023):
Je partage les conclusions de l’analyse réalisée par Esenca sur base des témoignages recueillis auprès des participants à la campagne de sensibilisation qu’elle a organisée à l’occasion de la journée internationale des personnes en situation de handicap. Malgré les efforts et les avancées en la matière, un nombre non négligeable de personnes en situation de handicap s’avèrent toujours, en 2023, dans l’incapacité de pouvoir jouir pleinement de l’ensemble des droits humains (droit à l’égalité et à la non-discrimination, à l’accessibilité, à l’égalité devant la loi, à se loger de manière autonome, à participer à la société, à l’enseignement, et cetera) et cela malgré la ratification de la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) par la Belgique, en 2009.

Je suis bien évidemment très sensible à cette problématique et veille à développer une série d’actions et de projets prioritaires, en collaboration avec l’AViQ, dont la finalité est de permettre aux personnes en situation de handicap et en perte d’autonomie d’exercer leurs droits humains, et cela dans l’ensemble de leurs milieux de vie.

Dans cette optique, les travaux que débutera très prochainement le Conseil consultatif wallon des personnes en situation de handicap permettront une meilleure représentation et prise en compte des enjeux d’inclusion et de participation. De même que la fonction consultative mise en place, vraisemblablement, à l’automne 2023 au niveau des Comités de branche et du Conseil général de l’AViQ y contribuera également.

En matière d’initiatives transversales et concertées avec les acteurs représentatifs des publics en perte d’autonomie, le Gouvernement wallon a adopté la Stratégie pour des parcours de vie intégrés des personnes en perte d’autonomie le 10 février 2022. Le concept de désinstitutionnalisation a été défini comme : « un processus visant à favoriser l’autonomisation de la personne en perte d’autonomie, sa liberté de choix (notamment le choix de son lieu de vie) et le respect de ses droits, via :
- la transformation et l’adaptation des lieux de vie existants ;
- un accompagnement des personnes en perte d’autonomie au travers d’une stratégie de parcours de vie intégré, en considérant la diversité des profils, leurs besoins et leurs ressources.

Cinq recommandations ont été formulées et sont assorties de voies d’actions afin de :
1. Capter les besoins des personnes en perte d'autonomie ;
2. Simplifier et visibiliser l’information sur les offres de services ;
3. Former les professionnels à la transition, favoriser le développement de nouvelles méthodes de travail, soutenir les évolutions et la mobilité verticale et horizontale des fonctions de la création de nouveaux métiers ;
4. Diversifier l'offre de services et de biens ;
5. Développer le mainstreaming des politiques publiques entre tous les niveaux de pouvoir.

Un plan d’actions a été élaboré par l’AViQ en collaboration avec les acteurs représentatifs des publics en perte d’autonomie et a été adressé à mes services. Je viendrai très prochainement devant le Gouvernement wallon en vue de l’adoption de ce plan.

Suite à un travail de concertation avec diverses instances représentatives du secteur du handicap et de la santé, l’AViQ a également déposé plusieurs dossiers de candidature visant à diversifier et/ou renforcer le tissu associatif wallon dans le cadre de la programmation 2021-2027 du FSE+, sur base de thématiques prioritaires dont les vecteurs étaient à la fois l’inclusion sociale et professionnelle ainsi que le soutien à la désinstitutionnalisation et l’autodétermination des personnes en perte d’autonomie. Les domaines d’intervention concernés portent sur les activités sociales, culturelles et de loisirs, le répit, la pair-aidance, le logement (habitats inclusifs solidaires, meilleur accès aux logements sociaux), le volontariat, le soutien à domicile et la formation des professionnels, et cetera. C’est également avec cette vision d’inclusion que l’Agence aborde les possibilités de collaborations transfrontalières et internationales en cours de réflexion. Les candidatures de ces projets sont en développement ou à l’analyse par les autorités européennes.

Afin de renforcer la possibilité de choix du lieu de vie, certaines initiatives sont déjà en cours de mise en œuvre dans le cadre du Plan national de reprise et de résilience (PNRR) et du Plan de relance wallon (PRW). En premier lieu, il s’agit de créer des habitats inclusifs et solidaires pour les personnes en perte d’autonomie, répartis sur l’ensemble de la Wallonie ; afin de disposer d’une alternative se situant entre le logement dit « classique » et l’accueil en services résidentiels (maisons de repos pour personnes âgées, établissements d’hébergement pour personnes handicapées). Ensuite, l’objectif est de permettre le déploiement à large échelle de dispositifs d’assistance digitale. Ces dispositifs sont installés au domicile (domicile privé, logement public ou habitat solidaire...) afin de permettre aux personnes de vivre à domicile le plus longtemps possible en toute sécurité. Enfin, au travers du Plan, il est aussi question de renforcer l’offre de répit existante pour les personnes en situation de handicap au travers des 21 services Répit déjà agréés et subventionnés par l’AViQ.

En outre, nous travaillons actuellement avec le Cabinet de mon Collègue, Willy Borsus, ainsi que l’AViQ et la SOGEPA à la finalisation d’un plan structuré d’actions, pour le tout début 2023, visant à développer la « silver economy » en Wallonie. Ce plan permettra de stimuler la création de valeur et d’emplois sur le territoire wallon par le développement, la production et l’usage de biens et de services accessibles qui répondent de manière pertinente aux besoins et attentes de chaque senior (sachant que, sans confondre les publics, leurs besoins sont proches, voire similaires à ceux des personnes en situation de handicap) et de son entourage.

Ce plan d’actions se doit d’être complémentaire avec les mesures initiées par le Plan de relance de la Wallonie telles que le projet « d’assistance digitale » et le projet d’habitats solidaires, autonomes et inclusifs destinés aux personnes en perte d’autonomie ou encore le projet participatif Proxisanté visant une réforme des soins de première ligne d’aide et de soins. La volonté du Gouvernement wallon est, grâce à ce plan, de proposer des offres de services, d’accompagnement et de soins intégrés, complémentaires et flexibles qui apportent une réelle plus-value que l’on désire rester chez soi (80 % des personnes âgées), aller complètement en institution ou de manière partielle.

En matière d’accessibilité universelle, toujours dans une dynamique de co-construction, le Plan Accessibilité wallon entend assurer la prise en compte dans l’ensemble des politiques wallonnes des besoins des personnes à mobilité réduite. Le plan comprend environ cinquante actions portant tant sur la définition de normes légales, sur la mise en place d’outils d’accompagnement des acteurs concernés par l’accessibilité, de mise en accessibilité et d’aménagements raisonnables, et cetera.

Y est également intégrée la volonté de mettre en œuvre un décret, visant à assurer, pour une échéance à définir, l’accessibilité des personnes à mobilité réduite aux bâtiments, aux espaces recevant du public, aux services, aux événements, à l'information et à la communication.

Par ailleurs, l’Agence soutient depuis plusieurs années les services experts en accessibilité afin d’accompagner ces acteurs grâce à une offre d’informations, de sensibilisations, de formations et de conseils. Elle soutient également le CAWaB pour la promotion de l'accessibilité, dans l'organisation et la coordination des différentes commissions (accessibilité des bâtiments ouverts au public, du logement, des transports en commun, et cetera).

En collaboration avec le secteur du tourisme, l’AViQ soutient l’ASBL Access-i dans ses missions d’évaluation et d’information de l’accessibilité des services et biens ouverts au public, il s’agit notamment d’évènements et d’infrastructures culturelles, sportives et de loisirs. Cet outil peut être utilisé par les différents services publics en vue d’améliorer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans leurs compétences. Access-i a notamment participé au Plan piscine. En collaboration avec le SPW Agriculture, Ressources naturelles et Environnement, l’AViQ a également soutenu le projet Natur’Accessible en vue d’aménager des sentiers en pleine nature à destination de tous publics, dont les personnes à besoins spécifiques : cheminements accessibles aux PMR, panneaux ludiques, et cetera.

En matière de collaborations intrabelges, notons par ailleurs la reprise des travaux de la Conférence interministérielle Handicap permettant de disposer à nouveau d’une plateforme instituant un dialogue structurel entre les entités fédérées et le pouvoir fédéral sur les défis transversaux auxquels sont confrontées les personnes en situation de handicap.

Dans ce cadre, une Stratégie interfédérale du handicap 2021-2030 est en phase de consultation des organes représentatifs des personnes en situation de handicap avec l’objectif d’instaurer un cadre pour la concrétisation de la Convention des Nations unies en faveur des personnes handicapées et d’assurer la cohérence entre les plans d’action et stratégies de chaque entité.

L’European Disability Card est un bel exemple de collaboration des entités fédérées et du Fédéral autour de l’accès aux activités culturelles, sportives et de loisirs. Disponible depuis 2017, la carte permet aux personnes en situation de handicap d’avoir accès à des avantages ou des aménagements dans ces domaines. La carte est valable en Belgique, mais également à Chypre, en Estonie, en Finlande, en Italie, à Malte, en Slovénie et en Roumanie. Un peu plus de 200 prestataires se sont inscrits dans la démarche et plus de 140 000 cartes ont été délivrées.

En matière d’accessibilité financière, comme l’honorable membre le sait, l’Agence a repris en date du 01/01/2022 l’entièreté du processus d’évaluation médicale des enfants porteurs d’une affection pour l’octroi d’un supplément d’allocations familiales. Le nombre de nouvelles demandes introduites par les familles est passé de 3 085 en 2019, à 7 142 en 2022 (chiffres arrêtés au 2/12/2022). Cette augmentation s’explique par le fait que, depuis la reprise de la compétence, l’AViQ a mené des opérations de communication et de sensibilisation, en s’appuyant sur un réseau de partenaires formés, avec pour double objectif l’exercice correct du droit et la lutte contre le non-recours au droit.

Au nombre de ces partenaires figurent les Bureaux régionaux de l’AViQ. Ces derniers, en leur qualité de service de première ligne, ont pour objectif d’informer, conseiller et accompagner les personnes, y compris dans des démarches administratives complexes. Ils s’adaptent avec souplesse aux différents besoins, en se déplaçant si besoin, ou en offrant un accueil dans le bureau régional le plus proche. Les parents sont aussi libres d’introduire leur demande sans se faire accompagner d’un partenaire s’ils n’en ressentent pas le besoin.

Par ailleurs, un groupe de travail de l’AViQ se réunit mensuellement avec les agents de la DGPH anciennement en charge des évaluations médicales des enfants, pour organiser au mieux la transition et s’assurer de la continuité du service notamment pour ce qui concerne les droits dérivés (statut BIM, tarifs réduits gaz et électricité, carte de stationnement, et cetera). Chaque fois que cela est possible, une automatisation est prévue grâce à un échange électronique de données via la BCSS.

Par ailleurs, un projet d’arrêté du Gouvernement wallon visant l’agrément et le subventionnement d’un service de référence en matière d’autoreprésentation des personnes en situation de handicap est, également, à l’étude.

En matière de communication, l’AViQ a développé plusieurs campagnes sur le thème de l’inclusion et des droits des personnes en situation de handicap, qui ont été diffusées en 2022 et le seront encore en 2023. Citons celle sur la vie relationnelle, affective et sexuelle « Nous avons tous droit à l'amour | AViQ » ou encore celle sur l’accessibilité des chiens d’assistance « Bienvenue aux chiens d'assistance | AViQ » ou, enfin, celle sur le handicap et l’emploi « Handicap et emploi | AViQ ».

Une campagne de communication visant à promotionner et valoriser le Handistreaming verra aussi le jour en 2023.

Comme prévu dans le Plan accessibilité wallon, l’AViQ va également promouvoir les ambitions et les actions du plan et sensibiliser le grand public aux besoins des personnes à mobilité réduite au travers d'une coordination des actions de communications des différentes unités d'administration publique. La thématique sera également mise à l’honneur sur le stand de l’AViQ lors de différents salons tels que Municipalia, qui rassemble les mandataires de Wallonie, au mois d’avril, ou Soins et santé, le salon des professionnels de l’aide et du soin, en février.

Au travers de ses projets, je ne doute pas que l’AViQ contribue à l’augmentation du recours au droit, l’écoute, la liberté de choix de vie.

Bien évidemment, je compte poursuivre les efforts nécessaires à la pleine jouissance de leurs droits par les personnes en situation de handicap, et cela au travers de projets et d’actions de promotion et de soutien, notamment, organisés en concertation avec les diverses parties prenantes de notre société.