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Iriscare supprime le BAP à Bruxelles  

Carte blanche : Dépendants mais Autonomes à la recherche de la Désinstitutionnalisation

En 2024, aussi bien dans les recommandations du Comité des experts des Nations unies, dans celles du rapport parallèle d’Unia,  que dans les orientations de la Commission Européenne pour l’autonomie de vie, il est régulièrement demandé à la Belgique d’établir un véritable plan de désinstitutionnalisation et de permettre cette reconversion par des budgets d’assistance personnelle. Tous constatent que le financement va prioritairement aux institutions. 

Malgré cela, Bruxelles, capitale de l’Europe, décide de mettre un coup d'arrêt aux avancées et de supprimer le BAP accordé, actuellement à 44 personnes en situation de handicap. Elle bloque l’accès aux autres, en attente d’autonomie de choix.  

Depuis 2009, le BAP, porté par l‘association AccessAndGo-ABP, fonctionne à Bruxelles comme un projet pilote. Mais, contrairement à la Wallonie et à la Flandre où le gouvernement s’est engagé à réduire drastiquement la liste d’attente, aucune législation n'a vu le jour pour garantir sa pérennité. Résultat : des vies construites jour après jour et démolies brusquement par une décision administrative. 

Le BAP : un outil d’autonomie et d’inclusion  

Le BAP bruxellois représente l’une des rares initiatives publiques permettant aux personnes handicapées, indépendamment de leur âge ou type de handicap, de bénéficier d’un accompagnement sur mesure. Ce budget, calculé selon les besoins réels, leur offre la possibilité d'organiser leur quotidien selon leurs choix : aides aux actes essentiels de la vie (se lever, se nourrir, se déplacer), tâches domestiques, activités sociales et professionnelles et plus encore.  

Le BAP symbolise un droit fondamental : celui de vivre dignement et de choisir comment organiser sa vie. Supprimer ou limiter ce droit, c’est imposer aux personnes handicapées des solutions standardisées et souvent inadéquates. Pourquoi accepter ce que nous refuserions à toute autre catégorie de citoyens ?  

Une question de dignité, pas de pitié  

Le BAP incarne un droit, pas un privilège. Sa mise en place, il y a 15 ans, a été saluée comme un important changement dans les mentalités et dans la représentation des personnes en situation de handicap. Par rapport aux autres services, ce financement leur permet d’avoir :  

  • Le droit de choisir leurs activités au moment voulu. 
  • Le droit d’engager et de gérer leurs assistants. 
  • Le droit de vivre en couple, en famille sans en être totalement dépendant, grâce à un accompagnement respectueux de leurs envies et de leurs besoins. 
  • Le droit d’avoir un soutien pour exercer le rôle de parents. Grâce à l’assistance personnelle qui compense ses déficiences, une mère ou un père handicapé peut organiser une aide adaptée pour s’occuper de ses enfants.  
  • Le droit de changer de logement tout en gardant son budget d’autonomie. 
  • Le droit à une autonomie réelle, comme engager une personne pour les aider à s’organiser et s’épanouir. 
  • Le droit pour l’entourage d’une personne en situation de handicap d’avoir l’aide et le soutien humain pour assumer, lui aussi, ses responsabilités familiales et professionnelles. 

Imaginez un monde où chaque personne, quelle que soit sa capacité physique ou cognitive, peut décider si elle veut travailler, faire du théâtre, du jardinage, partir en vacances ou... juste ne rien faire. Le BAP rend cela possible !  

Une décision unilatérale et régressive  

En interrompant ce timide début de désinstitutionnalisation, obtenu après de longues années de lutte, sous prétexte que trop de candidats sont sur la liste d’attente et qu’il ne profite qu’à quelques privilégiés, Iriscare ignore toutes les recommandations déjà évoquées et prive les citoyens en situation de handicap d’un droit fondamental.  

Sur base du raisonnement de l’administration bruxelloise, nous pouvons aussi du jour au lendemain fermer toutes les institutions avec une liste d'attente, fermer tous les foyers, les centres d'accueil où vivent les mêmes pensionnaires “privilégiés”, imposer des critères de revenus pour y accéder…En fait, appliquer, du jour au lendemain, aux structures collectives ce que l’on fait subir au BAP bruxellois. Restons sérieux deux secondes ! La décision d’Iriscare reflète une totale incompréhension du concept d’autonomie de vie et d’inclusion : il ne s’agit pas de replacer les personnes au "centre" d’un dispositif institutionnel, ni de les orienter dans leur choix d’assistance mais bien de leur permettre d’être au centre de leur vie et d’être pleinement dans la communauté.  

 

Les enjeux socio-économiques  

La suppression du BAP intervient dans un contexte déjà difficile pour les personnes en situation de handicap. Confrontées à des défis quotidiens, elles subissent de plein fouet les effets de la crise économique et énergétique. Les démarches administratives complexes, l’accès limité aux soins, l’exclusion des assurances de soins ambulatoires et d’hospitalisation, la diminution du remboursement des aides individuelles depuis la sixième réforme de l’État, les autres surcoûts liés au handicap (notamment pour se déplacer, se loger) tous ces éléments peuvent très vite faire basculer un citoyen dans la pauvreté et dans l’isolement social.  

Nos revendications  

Face à ce recul inacceptable, nous demandons de :  

  1. Maintenir le financement du BAP à Bruxelles.   
  2. Légaliser le BAP à Bruxelles en se conformant à l’article 19 de la Convention des Nations unies, aux recommandations du Comité des personnes handicapées, à celles d’UNIA et à l’avis de la Commission Européenne. L’instabilité, ça suffit !  
  3. Réorienter les crédits, en privilégiant l’assistance personnelle sur le financement des institutions. 
  4. Ne pas associer le droit au BAP aux revenus familiaux.  
  5. Reconnaître la diversité des besoins sans préjugés, qu’il s’agisse d’accompagnement physique ou mental. 
  6. Respecter les choix de vie des personnes handicapées. Qui, mieux qu’elles, peut définir leurs priorités ?  
  7. Avoir une représentation des personnes handicapées au sein des structures d’Iriscare, pour garantir que leurs droits et besoins soient respectés. 

              

Le handicap ne doit plus être perçu comme un fardeau mais bien comme une réalité à intégrer dans les politiques publiques. L’application des droits humains ne devrait pas dépendre de crédits budgétaires ou d’une liste d’attente. La dignité humaine n’est pas négociable, et les mécanismes qui l’érodent doivent être combattus avec détermination. Chaque jour sans BAP légalisé est un jour où des vies sont freinées, des couples et familles fragilisées et une inclusion réelle oubliée.  

Ensemble, exigeons que les droits fondamentaux des citoyens en situation de handicap soient au cœur des décisions politiques, et rappelons que leur inclusion est une richesse pour toute la société.  

Pour le collectif Bap.Brussels

Sonja Desimpel, Martine Gooskens, Paul Van Walleghem, Cléon Angelo
www : www.bap.brussels 
Mail : collectif@bap.brussels