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Mal au dos ? Ne vous inquiétez pas et restez actif !

Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) publie un guide de pratique clinique sur la prise en charge de l’un de nos principaux « maux de civilisation », le mal de dos, qu’il soit lumbago aigu ou lombalgie chronique.

Un Belge sur cinq a eu mal au dos au cours des douze derniers mois. C’est dire si le sujet du guide de pratique clinique publié aujourd’hui par le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) représente un enjeu de santé publique important. Ce guide rassemble 37 recommandations à l’attention de tous les professionnels de la santé concernés par ce « mal du siècle » : médecins généralistes, kinésithérapeutes, spécialistes en médecine physique et réadaptation, ostéopathes et chiropracteurs, anesthésistes et spécialistes de la douleur, chirurgiens orthopédistes, neurochirurgiens, psychologues, etc.

L’auto-gestion comme base de traitement

Principe de base : la douleur lombaire est en général sans gravité et son évolution est spontanément bonne dans la très grande majorité des cas. Pour cette raison, il faut éviter de « médicaliser » ce qui ne devrait sans doute être considéré que comme un incident, désagréable certes, mais inhérent à notre condition de bipèdes… Par conséquent, la base du traitement est de faire confiance à la nature… et au patient lui-même, parfaitement capable de se soigner tout seul, moyennant un peu d’encadrement et quelques encouragements.

Le conseil le plus important : bouger !

Le premier conseil est connu depuis des années et désormais tout à fait confirmé: il faut rester physiquement actif et poursuivre ses activités ordinaires dans les limites du possible, voire effectuer soi-même des exercices.

Malheureusement, beaucoup de personnes restent encore immobiles après un lumbago, de crainte qu’un mouvement malencontreux ne vienne aggraver leur état. On sait aujourd’hui que cette crainte n’est pas fondée.

Les examens radiologiques : inutilement angoissants et non dénués de risques

Qu’est-ce qui provoque la douleur lombaire aiguë ? Le plus souvent, une contracture musculaire en réaction à une sollicitation excessive, un ligament distendu, une poussée d’arthrose. Une hernie discale parfois aussi, mais en réalité, nous sommes nombreux à vivre avec une hernie discale sans le savoir, et sans en éprouver le moindre désagrément.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la recommandation des experts réunis par le KCE est limpide au sujet de l’imagerie médicale : il est le plus souvent inutile de faire une radio, scanner ou IRM à un patient qui se plaint de mal de dos. Cela l’expose inutilement à des radiations, cela coûte cher à la société et il n’y a aucune preuve que les observations qui seront faites auront un lien de cause à effet avec la douleur du moment. Au contraire, elles risquent d’inquiéter inutilement. Bon à savoir aussi : la grande majorité des hernies discales se résorbent d’elles-mêmes en quelques mois.

Une prudence de base : les drapeaux rouges

Parfois cependant, le problème est dû à une cause plus grave : une fracture, une tumeur, une maladie inflammatoire… Les praticiens sont formés à détecter et à prendre immédiatement au sérieux les symptômes typiques de ces problèmes peu fréquents, que l’on appelle des « drapeaux rouges » (red flags). Le guide du KCE rappelle une fois encore qu’il faut toujours vérifier leur absence… et que ceci n’exige pas non plus d’examen radiologique, à de rares exceptions près.

Quand une douleur dite radiculaire (de type ‘sciatique’) vient compliquer le tableau, c’est le signe que la racine d’un nerf est irritée à l’endroit où le rameau nerveux émerge de la colonne vertébrale. L’attitude à adopter reste grosso modo la même –¬ rassurer, encourager l'activité – et ce n’est que dans les cas où la douleur est associée à  une perte marquée de force musculaire qu’il faut envoyer le patient vers un chirurgien spécialiste de la colonne (neurochirurgien ou orthopédiste). 

Une meilleure compréhension des risques de chronicité

L’évolution la plus remarquable de ces dernières années en matière de douleurs lombaires est probablement la compréhension de la nature « bio-psycho-sociale » de cette affection, qui semble augmenter parallèlement au stress de la vie actuelle. En effet, nous ne sommes pas tous égaux devant le mal de dos : chez un petit nombre de personnes, le problème va s’éterniser et devenir chronique. C’est alors souvent une spirale infernale qui se déclenche, et il devient de plus en plus difficile de s’en extirper.

Les facteurs qui favorisent cette évolution sont désormais bien connus ; ils sont en grande partie liés à la manière dont la personne gère ses émotions face au problème (peur d’aggraver sa douleur, pessimisme quant à l’évolution de sa situation, conviction que le problème est ‘grave’, etc.). On observe aussi que des conflits au travail ou une insatisfaction professionnelle peuvent subrepticement augmenter ce risque.

Une approche spécifique pour les personnes à risque

Quand un risque de passage à la chronicité est identifié, une prévention active devient possible. C’est pourquoi il est aujourd’hui recommandé à tous les professionnels confrontés à des patients lombalgiques de procéder sans tarder à une évaluation de ce risque. Des questionnaires très courts et pratiques ont été mis au point à cet effet ; deux sont proposés dans le guide du KCE.

Chez les personnes pour lesquelles on identifie un risque plus élevé que la moyenne, la prise en charge de base (l’auto-gestion) doit être complétée par une approche plus stimulante. Ces personnes doivent encore plus que les autres être rassurées, accompagnées et encouragées dans leur activité physique. On peut leur proposer des séances de kinésithérapie, des techniques manuelles* ou un soutien psychologique, en fonction de leur profil. Et si le risque est vraiment important, il faut leur offrir un programme de réadaptation spécifique, combinant ces différentes approches, avec éventuellement aussi un support ergonomique, éducatif ou social.   

Le retour au travail encouragé dès le premier jour

Dans tous les cas, le retour au travail doit être un objectif à envisager dès le premier jour. Ce n’est toutefois pas nécessairement la notion de « travail » qui importe. Pour les personnes n’ayant pas ou plus d’activité professionnelle, la reprise des activités quotidiennes est tout aussi importante.

Médicaments, techniques invasives, chirurgie : avec sagesse et modération

La prescription de médicaments pour lutter contre la douleur doit suivre la règle de la prudence : seulement si c’est nécessaire et toujours pour la plus courte période possible. Les anti-inflammatoires (non stéroïdiens) sont une option, éventuellement les morphiniques légers avec ou sans paracétamol.

Certaines techniques invasives sont à envisager dans des conditions clairement définies : les injections épidurales (s’il y a des douleurs radiculaires) et la dénervation par radiofréquence (si la douleur lombaire est chronique). Quant à la chirurgie, elle doit être réservée à des cas extrêmement sélectionnés. En effet, il existe très peu de preuves que les opérations de la colonne puissent durablement soulager les douleurs lombaires. La décision d’opérer doit toujours être prise en consultation pluridisciplinaire, où différents spécialistes (et pas seulement des chirurgiens) examinent la situation ensemble et discutent du meilleur traitement à proposer au patient.

Le guide précise également une série d’interventions qui ne sont PAS recommandées, soit parce que leur manque d’efficacité est prouvé (p.ex. corsets, prothèses discales, …), soit parce qu’il n’existe pas de preuves de leur efficacité (p.ex. matelas d’andullation).

Des recommandations qui reflètent l’avis des acteurs de terrain

Ce guide de pratique clinique est le fruit d’un travail intense mené par 31 professionnels de terrain réunis autour des chercheurs du KCE. Ces cliniciens représentent les principales sociétés scientifiques des disciplines concernées. Leur « parrainage » du document lui confère donc une assise exceptionnelle.

Le travail n’est pas terminé pour autant. Les mêmes experts planchent à présent sur un « itinéraire de soins » qui indiquera à chaque intervenant quelles actions entreprendre en fonction du stade de douleur de son patient. Cet itinéraire sera diffusé sous la forme d’un outil informatisé interactif pour une facilité d’emploi maximale. Rendez-vous en novembre !

* L’expression « techniques manuelles » recouvre différentes sortes de manipulations, de mobilisations et de techniques de travail des tissus mous.